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Les Tuileries mystiques

 

 

                             du P. Thierry-Dominique Humbrecht, dominicain.

 

Texte originellement paru dans l’hebdomadaire Famille chrétienne du 19 juin 2004, puis repris dans l’ouvrage du même auteur : La prière du pauvre, Paris, Parole et Silence, 2005.

 

 

 

Lorsque reviennent les beaux jours, le jardin des Tuileries se remplit. Pourtant, ni la splendeur du décor ni la foule des promeneurs ne parviennent à combler le vide : le palais, autour duquel tout a été construit, que les jardins enlacent, vers lequel le regard doit converger, n’est plus là. Les ailes, conçues pour n’être que des galeries reliant le Louvre aux Tuileries, ne relient plus rien et s’ouvrent en vain. On peut aimer cette ouverture, mais elle mutile notre histoire. Ces temps-ci, des pétitions circulent pour que l’on reconstruise les Tuileries.

 

Ainsi en va-t-il de la prière. La prière est faite pour nous relier à Dieu, pour nous unir au Christ par la vertu théologale de charité. C’est bien l’effet qu’elle produit, mais le Christ, vers lequel toute la vie spirituelle se tend, est comme absent. Invisible à nos yeux, il semble inaccessible à notre tentative de contact. La prière produit un effet, elle nous transforme ; mais ce qu’elle réalise est difficile à voir, et celui qui opère ce changement n’est visible que par l’emplacement en creux qu’il laisse dans l’âme. Tant et si bien que notre œil, ayant besoin de se poser sur quelque chose, est tenté de se contenter de ce qui lui reste : l’acte de prier, l’effort vertueux, les méthodes de prière, l’exaltation communautaire, l’émotion. Ne pouvant saisir le Christ désiré, nous risquons de nous focaliser sur nous-mêmes en train de le saisir. S’ensuit une attention, peut-être excessive, portée à la qualité humaine de la prière, celle-ci tenant lieu de rencontre avec le Christ. L’intensité est prise pour la rencontre.

 

Faut-il s’en défier ? Non pas, tout sert à tout, l’épaisseur de notre humanité à la transparence de la divinité. Toutefois, dans la prière, c’est le Christ lui-même qui importe, plus que nous en train de chercher le Christ. Cherchons le Christ, le reste suivra. Il n’est pas grave que tel moment de prière nous semble réussi ou raté : l’objectif est de chercher le Christ, de nous mettre à sa suite, d’adorer. Adorer, c’est lui donner du temps, c’est-à-dire perdre du temps pour lui, pris sur autre chose. Adorer, c’est chanter un psaume joyeux un jour de tristesse, et inversement. Un moment d’oraison, même traversé de distractions et de fatigue, vaut mieux que pas d’oraison du tout. Ce moment lui aura été donné, par amour, par son amour. Ce qui compte, c’est le palais où Dieu réside, et non les galeries qui nous conduisent à lui.

 

Je prends parti : il faut reconstruire les Tuileries.

 

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